Du temple sacré

Du temple sacré Terrier Tibetain

Terrier Tibetain

Fin de vie

Fin de vie

Non, tu ne l’as pas tué, ton chien. Tu l’as aimé jusqu’à l’extrémité de l’amour, jusqu’au bord du vide où l’âme vacille. Et je sais, je le sens dans le tremblement de tes mains, dans le silence obstiné de tes nuits : ce souvenir-là te hante. Ce moment figé, ce verdict que tu as prononcé le cœur fendu, ce dernier regard plein de fatigue et de confiance mêlées… Tu te demandes encore si tu as trahi. Si tu aurais dû attendre. Laisser le sort poursuivre son œuvre lente. Mais ce doute, ce venin lancinant, il n’est réservé qu’aux âmes profondes, aux êtres capables de souffrir par amour, de regarder en face la misère de ceux qu’ils chérissent.

 


Tu ne l’as pas abandonné. Tu es resté(e), les yeux dans les siens, jusqu’au bout du supplice. Tu as vu ce que tant auraient détourné les yeux pour ne pas voir : cette lassitude infinie dans son regard, cette douleur sourde cachée dans ses silences. Et c’est en tremblant, le souffle court, que tu as choisi de poser un acte que lui, dans sa noblesse animale, ne pouvait plus réclamer.


 


Ce n’est pas la vie que tu lui as ôtée. C’est la souffrance que tu as balayée, d’un geste d’amour tragique. Tu lui as tenu la patte, tu lui as parlé comme on parle à un mourant aimé, la voix douce et brisée. Et dans ce dernier geste, il n’y avait ni lâcheté, ni fuite — seulement une tendresse infinie, une humanité douloureuse qui sait renoncer pour mieux aimer.


 


Ce n’est pas toi qui l’as fait mourir. C’était déjà là, en lui, ce mal invisible, cette usure impitoyable du corps. Toi, tu es resté(e). Tu as veillé. Tu as traversé l’ombre avec lui. Et c’est cela qu’il a emporté : ta chaleur, ta voix, ton amour tout entier.


 


Non, tu ne l’as pas tué. Tu l’as délivré. Et tu l’as aimé assez pour accepter de le laisser partir.